Synchronicité soleil et citronnelle...
Dernière mise à jour : 23 avr. 2021
Dans la série "C'est arrivé pour de vrai !" Pressées d’accoster à l’Île-aux-Coudres en juillet dernier, à bord de la petite décapotable de ma chum, on a juste un peu dépassé la limite de vitesse permise, pour une bonne raison ! Chaque seconde compte quand tu as rendez-vous avec le soleil ! Son coucher, en fait. Et nous sommes arrivées juste à temps !

Dès que la voiture fut garée, ma chum a dévalé la petite côte qui nous séparait du bord de l’eau. De pas trop loin derrière, je la suivais sans courir, dévorée à petite bouchées par les moustiques voraces. Sans enfant, ni mari, libre pour la première fois depuis trop longtemps, ma chum plongeait sans retenue dans ce week-end de liberté provisoire, exprimant bien ouvertement sa joie. « Wow wow wow, wooouuuaaaahhh !!!!! C’est trop top ! » Sur la plage du bout de l’île, quelques vacanciers en état de grâce assistaient bouche bée au début de la représentation. Hors contexte et sans complexe, ma chum sautillait sur place les bras en l’air en chantant Nana Mouskouri : « Hoooo ! Soleil soleil ! ...sans se soucier du regard agacé des chercheurs de silence. - Manon viens voir viiiite !! - Oui oui, c’est magnifique ! Mais maudit qu’y a de la bibitte ! » - Ben non ! J’ai mon pouche pouche d’huile essentielle de citronnelle ! Mets z’en, mets z'en !»
Après m’avoir aspergée de la tête aux pieds, voilà qu’elle en offrait à tout le monde sur la plage. « T’en veux-tu madame ? C’est ma tournée ! » Ainsi fut-elle instantanément pardonnée de ses joyeux débordements. Dans le rôle de la copine sérieuse, je tentais tout de même de la ramener à un peu plus de calme, sans succès. Ma chum c’est une vraie de vraie, une authentique spontanée naturelle et sans barrière ! Elle est tout sauf ordinaire, alors y avait pas grand-chose à faire, pas moyen de la faire taire ! « C’est tu assez beau ?! » Il fallait qu’elle le dise. Et voilà qu’elle y va à pleine voix, avec du Ginette Reno cette fois ! « C’est beau, c’est beauuuuuuu, si tu voyais le monde au fond là-bas a a a a… » Quelques photographes présents ajustaient leurs lentilles pour capter les subtilités de chaque instant, concentrés à trouver l’angle qui rendrait le mieux justice à la scène. À chaque minute, les effets de lumière sur les vagues du fleuve, teinté des rayons d’un rouge orangé de plus en plus foncé, redessinaient le paysage. Soudain, espiègle comme une enfant, ma chum se mit à danser dans l’objectif d’une des caméras choisie au hasard. À mes yeux, cela pouvait effectivement ajouter un point d’intérêt original aux clichés, à condition que l’artiste derrière l’appareil ait le sens de l’humour. Heureusement, oui ! Il captait ses galipettes avec un petit sourire en coin, sensible à la légèreté de son nouveau sujet. - Veux-tu de la citronnelle, Monsieur ? - Non ! Continue de danser ! Malgré les moustiques qui lui dévoraient les doigts, l’artiste figeait les instants d’un bonheur pur grandeur nature, qui virevoltait dans l’œil de sa caméra. Le rideau de la nuit tombait subtilement, annonçant la fin de la représentation. La fraîcheur de la brise maritime qui traversait nos petites laines nous incitait à regagner nos petits chalets loués. Parfumés d’une odeur de citronnelle, les vacanciers quittaient la plage en saluant ma chum au passage, pendant que notre photographe rangeait sa caméra et ses nombreux accessoires. « Si tu ne veux pas de ma citronnelle, viendrais-tu prendre un verre de blanc à notre chalet ? Tu pourrais nous montrer tes photos ?! » Je ne l’avais pas vue venir celle-là ! Ma chum invitait un étranger chez nous, sans me prévenir ni me demander si ça me convenait. Et franchement, ce soir-là, ça me contrariait. Même si par sa patience, l’artiste avait grandement mérité son drink, de mon côté je n’avais qu’une seule envie, celle d’aller au lit. « Juste un verre ! Allez !! » Et il a accepté. La tout de même sympathique rencontre s’est donc poursuivie sur l’exigu balcon de notre mini-cabine donnant sur la mer. Sous la lune presque pleine, après le deuxième « dernier verre », une fois qu’on crut complétée la liste des questions d’usage du genre « T’es qui, tu viens d’où, blablabla et pourquoi t’es là », j’estimais que j’en avais assez.
Malgré la convivialité bien installée, dans le rôle de la copine casse-pieds-pas-polie et fatiguée, j’annonçais sans être désolée que ça y était, j’allais me coucher. Pas tout à fait rassasiée de cette première soirée, ma chum m’a rattrapé au vol en vantant soudainement mes talents d’auteure, expliquant candidement que je venais tout juste de terminer mon premier roman, donc tant extraordinaire et papati et patata. Flattée mais têtue, j’adoptais un air de « veux-tu ben laisser faire » quand l’artiste reprit la parole. « Ah oui ? C’est intéressant ! Drôle de hasard parce que de métier, je suis photographe et graphiste, entre autres, pour quelques maisons éditions. » Clairement, même si tu essayes de te défiler, la synchronicité décide sans prévenir de l’heure et de l’endroit des rencontres importantes. Cette soirée fut le coup d’envoi d’un week-end inoubliable, grâce à un bel élan de folie de ma chum. Et aujourd’hui, j’ai le bonheur de collaborer avec notre nouvel ami, devenu aussi le concepteur de la couverture de mon premier roman, pour lequel je planifie une sortie officielle au début avril. C’est une belle histoire à suivre … @Manon Vincent Crédit photo : Christian Campana