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Photo du rédacteurBrigitte Dijon

C’est quand qu’on commence?

L'environnement selon Éliane Vincent

Je ne sais pas comment votre algorithme vous traite, mais le mien trouve ben drôle de faire défiler devant moi des commentaires ironiques sur les véhicules électriques.


Des fois l’ironie est vraiment mordante. Si j’en crois m’sieur Facebook, il y a des Tesla en fl

ammes à tous les coins de rue, les bornes de recharge publiques sont couvertes de cadavres de citoyens morts de soif en attendant l’interminable remplissage, et les routes en hiver sont jonchées de véhicules électriques agonisant par manque de batterie.


Il y a sûrement un peu de vrai là-dedans, remarquez. La technologie est en recherche et développement, tout est loin d’être fini d’inventer, et les véhicules électriques — je vais écrire VÉ pour la suite, merci — sont certainement améliorables.


Il est vrai aussi que changer ses habitudes est difficile... Je crois me souvenir que lorsque la vapeur est venue donner un coup de pouce au cheval, au tournant du siècle d’avant, les premiers propriétaires d’automobiles ont subi les mêmes prophéties apocalyptiques. Il est d’ailleurs ironique de constater que ces premières automobiles étaient électriques, et que les problèmes étaient les mêmes qu’aujourd’hui : le prix élevé, la vitesse limitée, et la faible autonomie des batteries de l’époque.


Bien sûr, le pétrole est venu, et tout a changé. Économique, surabondant, d’une puissance inouïe, malléable en millions de variétés de plastique, notre hydrocarbure chouchou est rapidement devenu irremplaçable. Il est partout, depuis l’engrais dont on nourrit nos champs jusqu’à nos crèmes hydratantes, en passant par nos bagnoles, évidemment.


Il est partout, et on s’est aperçu que bientôt, on en crèvera. Que voulez-vous, c’est de la science. Quand on le brûle, le pétrole laisse s’échapper le carbone qu’il séquestrait depuis des millions d’années, et ce carbone-là nous réchauffe comme dans une serre. L’air, l’eau se réchauffent, et soudain, on a des ouragans plus qu’avant, des feux de forêt plus souvent, les glaciers fondent, l’eau monte. Et nous, bien assis dans l’avion, on rigole de la Tesla qui flambe sur Facebook, parce que « c’est pas vrai que le gouvernement va venir me voler mon pick-up, simonac! ».


Accepter de penser autrement


Nous, les humains, avons brûlé du pétrole pendant à peu près un siècle, avant de nous apercevoir que ce n’était pas une très bonne idée, finalement. Nous savons — nous qui avons le luxe d’avoir le temps d’y penser — combien nos comportements sont l’équivalent d’un suicide collectif. Pourquoi c’est faire, donc, donc, que plutôt que d’essayer de les changer, on préfère ridiculiser ceux qui roulent en VÉ?


C’est vrai que l’empreinte écologique des VÉS n’est pas tellement meilleure que celle des autos à pétrole. C’est un vrai problème, mais le problème encore plus vrai est celui de la religion de l’auto solo. Aussi vais-je me jouquer sur ma clôture et déborder de mon sujet, en regardant un peu plus loin que notre nez collectif.


Je propose de laisser le pétrole à ceux qui en ont vraiment besoin — parce que c’est vrai que des fois, il est irremplaçable. Mais je propose aussi que quand il ne l’est pas, on puisse le remplacer facilement, par une alternative fiable, confortable et économique, qui donne envie à m’sieur et madame Tout-le-Monde de s’en servir.


Je propose des réseaux de transport collectif sur tout le territoire, avec le statut de service essentiel et des incitatifs fiscaux à l’utilisation. Des réseaux fluides, constants, efficaces, qui rendent l’auto solo sans intérêt. Mais je propose aussi de rapprocher les citoyens de leur quotidien. Je rêve de voir réapparaître les boulangeries, boucheries, fruiteries de village ou de quartier, pour qu’on ait moins besoin de sauter dans son char.


Je propose qu’Hydro-Québec fasse la promotion active de l’autonomie énergétique. En favorisant l’installation non pas de thermopompes, mais plutôt de panneaux solaires, qui peuvent aisément combler les besoins courants des familles, et même générer des surplus qui peuvent être retournés dans le réseau. Plutôt que d’alimenter des centaines de milliers d’unités résidentielles, Hydro pourrait se concentrer sur l’industrie, puisque c’est là, nous dit-on, que sont les profits.


Enfin, ma dernière proposition est celle qui déchaînera mon algorithme, tellement elle est — j’en suis consciente — une excellente source de quolibets. Je propose de modérer nos transports, de nous déplacer moins, et moins loin; de choisir un logis près du travail, ou un travail près de la maison; de nous satisfaire de vacances dans la MRC voisine, plutôt que sur le continent lointain; de renoncer à quelques petits plaisirs bien mérités, et d’en découvrir d’autres qui ne requièrent pas de brûler 1,25 litre de kérosène par seconde.


On en revient toujours là. Le problème n’est pas dans le véhicule, électrique ou non, il est dans le nombre de véhicules qu’on considère être indispensables à notre mode de vie. Le problème n’est pas dans le voyage, il est dans le nombre de voyages qu’on juge nécessaire d’entreprendre au cours d’une vie.


Il n’y aura pas de solution magique à nos problèmes climatiques. On peut choisir de tourner en ridicule les propriétaires de VÉ, juger qu’il serait injuste de faire des efforts, puisque « les autres » n’en font pas. Personne ne veut être le premier à perdre ses privilèges, c’est bien normal.


Mais, si j’ose rappeler à notre souvenir collectif les forêts rasées par le feu dans le Nord, les sous-sols inondés de la Beauce, les tornades en Montérégie ou les falaises rouges qui tombent dans la mer aux Îles-de-la-Madeleine, est-ce qu’il est si ridicule de penser qu’il serait temps de penser à trouver des solutions?


C’est quand qu’on commence?


Photo : Elf-Moondance - Pixabay

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